Vers une généralisation des démarches en maquette ? Décryptage du projet de loi d’accélération
Vous avez probablement vu passer, en février dernier, le dépôt à l'Assemblée nationale du projet de loi pour « l'accélération de l'économie française ». Ce texte contient une mention explicite du BIM, insérée dans un décret d'application sur la dématérialisation des autorisations d'urbanisme.
Ce n'est ni une obligation, ni une révolution annoncée. Mais c'est probablement la première fois que le BIM est officiellement intégré à un dispositif législatif national, en lien direct avec les procédures administratives. Un signal faible, mais qui mérite d'être analysé.
Ce que dit le projet de loi
Parmi les mesures structurantes, on peut retenir :
- Dématérialisation généralisée des demandes d'autorisation d'urbanisme, pour toutes les communes, sans exception.
- Guichet unique national numérique, appuyé localement par les préfets, avec droit de dérogation.
- Délais encadrés : 6 mois pour les autorisations environnementales, 2 mois pour les permis, acceptation tacite en l'absence de réponse.
- Base de données nationale regroupant les données environnementales réglementaires, interopérable et pilotée par IA.
Et surtout, dans le décret 5, il est indiqué que :
"Le recours au Building Information Modelling (BIM) est encouragé afin de faciliter l'évaluation et la collaboration entre les parties prenantes."
Une instruction complémentaire du Premier ministre recommande de suivre l'exemple de Genève, où les demandes peuvent être déposées au format maquette numérique, permettant un traitement deux fois plus rapide et une vérification automatisée de la conformité aux règles d'urbanisme.
Ce que cela implique concrètement
Pour les professionnels qui préparent des dossiers d'autorisation, ce texte envoie un message clair :
la maquette numérique devient un support légitime pour les échanges avec l'administration. Ce n'est pas encore une norme, mais l'écosystème réglementaire commence à s'aligner sur les pratiques numériques.
Cela signifie que :
- Les collectivités devront s'équiper pour visualiser, traiter et exploiter des fichiers BIM.
- Les projets qui intégreront une maquette structurée et exploitable seront plus facilement lisibles, analysables, et traités plus vite.
- À moyen terme, on peut s'attendre à voir émerger des outils de contrôle réglementaire automatisé, adossés à des règles urbanistiques traduites sous forme de scripts ou de formats standardisés.
C'est aussi une confirmation du rôle structurant du BIM dans les échanges inter-administrations, en lien avec la base de données environnementales annoncée (article 12), conçue pour éviter les doublons déclaratifs et améliorer le suivi des projets.
Analyse technique et scénario d'application de la loi
Le déploiement concret des mesures techniques proposées (dématérialisation totale, standards BIM, délais courts) se ferait probablement de manière progressive et hétérogène. L'obligation de dématérialisation toucherait d'abord les plus grandes structures, tandis que l'interopérabilité technique entre les systèmes resterait un défi majeur et durable. La définition de standards BIM nationaux, bien que centrale, serait un processus long, nécessitant idéalement une co-construction avec les professionnels et des phases pilotes avant généralisation ; elle se focaliserait sans doute initialement sur les données essentielles à l'instruction. Enfin, la pression des délais courts (2 mois) inciterait fortement les acteurs privés à produire des données BIM de haute qualité et facilement exploitables. Cependant, le principal goulet d'étranglement serait la capacité réelle des administrations (outils, formation) à analyser efficacement ces données dans le temps imparti. La transition serait donc probablement lente et techniquement complexe.
Une loi à suivre de près
Sans bouleverser les pratiques du jour au lendemain, le projet de loi d'accélération de l'économie française installe des bases claires : dématérialisation généralisée, interopérabilité attendue, délais encadrés, et maquette numérique reconnue comme support pertinent dans les échanges avec l'administration.
Pour l'écosystème du BIM, c'est le signal d'une transition lente mais irréversible, où la qualité des données produites prendra une place aussi centrale que la géométrie.
Reste à voir si les collectivités, les éditeurs, et l'ensemble de la chaîne projet sauront s'aligner sur ce nouveau cadre. Mais une chose est certaine : cette fois, la dynamique vient du législateur.
Le texte complet, incluant les décrets et instructions, est disponible en PDF sur le site du MEDEF :
https://www.medeforne.fr/uploads/media/node/0001/86/b14eedd64fcc78a5cf860d65c57919fb95d3a4c2.pdf