[Table ronde] 7 Questions & Réponses autour d'un BIM obligatoire sur les marchés publics
Lors d'une table ronde récemment organisée en partenariat avec BIM 4 LEGAL et diffusée sur HEXABIM, l'obligation du BIM dans les marchés publics a été mise en lumière. Ce sujet brûlant a suscité beaucoup d'encre et de débats passionnés. Les questions soulevées par l'idée d'imposer le BIM couvrent des enjeux tels que l'accessibilité, la compétitivité et l'innovation dans le secteur de la construction.
David Richard, en tant qu'animateur, a facilité une discussion approfondie parmi les participants, explorant les défis de l'implémentation du BIM obligatoire. Cédric Bernard, en tant que chercheur de la Chaire de droit des contrats publics, a examiné les implications légales du BIM obligatoire, mettant en relief comment cela peut renforcer la transparence et l'équité dans les appels d'offres publics. Florian Laurençon, conseiller pour la qualité des constructions auprès de la mission interministérielle pour la qualité des constructions, a souligné comment le BIM peut nettement améliorer la gestion des informations et des processus, conduisant à une meilleure qualité des projets de construction publique. Candice Hassine, depuis son poste stratégique chez DB-Lab, a partagé ses insights sur la mise en œuvre pratique du BIM dans les opérations de construction, évoquant les bénéfices en termes de gestion de données et d'efficacité opérationnelle.
Ce récapitulatif vous propose un aperçu des discussions variées et enrichissantes qui ont animé cette session, offrant un regard sur les perspectives diverses des intervenants quant à l'avenir du BIM dans les marchés publics.
Comment se positionne la France par rapport aux autres pays autour de cette question ?
D'après les discussions lors de la table ronde, la France se positionne de manière progressive concernant l'adoption obligatoire du BIM dans les marchés publics. Cédric, l'un des intervenants, a mentionné que de nombreux autres pays, notamment européens et anglo-saxons, sont déjà plus avancés dans l'adoption du BIM obligatoire. Il a cité des exemples tels que l'Italie, où le BIM est progressivement devenu obligatoire pour certains types de marchés publics, et l'Allemagne, qui a adopté une approche sectorielle.
L'intervenant a aussi expliqué que ces pays ont mis en place des seuils et des conditions spécifiques pour l'application du BIM, adaptant leur législation pour favoriser cette transition tout en tenant compte de la maturité du marché. Cela montre que, bien que la France ait pris des initiatives pour intégrer le BIM, notamment avec des formations et des discussions autour de la réglementation, elle pourrait bénéficier d'un examen plus approfondi des modèles utilisés par d'autres pays pour accélérer sa propre mise en œuvre.
Quel serait un seuil crédible de montant de travaux pour une obligation ?
Durant la table ronde, Cédric a discuté des seuils potentiels pour l'obligation du BIM dans les marchés publics, en se basant sur des exemples internationaux. Il a mentionné l'Italie, qui a commencé par appliquer le BIM à des projets spécifiques comme les constructions scolaires avant d'étendre cette obligation à des projets d'infrastructure de plus grande envergure avec un seuil de 15 millions d'euros.
Cédric a souligné l'importance d'une approche par étapes, adaptée à la maturité du marché national, pour intégrer progressivement le BIM dans les marchés publics. Cela permettrait de garantir que tous les acteurs, y compris les petites et moyennes entreprises, puissent s'adapter à cette nouvelle exigence sans être injustement désavantagés.
Une telle obligation ne risque-t-elle pas de favoriser les "majors" ?
Durant la table ronde, cette préoccupation a effectivement été abordée, notamment par Florian. Il a souligné que rendre le BIM obligatoire pourrait potentiellement favoriser les grandes entreprises ("majors") qui disposent déjà des ressources technologiques, financières, et du personnel qualifié nécessaires pour intégrer le BIM efficacement dans leurs opérations. Ces entreprises sont souvent mieux équipées pour s'adapter rapidement aux nouvelles exigences réglementaires, contrairement aux petites et moyennes entreprises (PME) qui pourraient se retrouver désavantagées du fait de leurs ressources plus limitées.
Florian a également mentionné que l'obligation du BIM pourrait inciter à une centralisation autour de l'entreprise générale, dans le sens où les projets nécessitant le BIM pourraient encourager la formation de grands consortiums ou de grandes entreprises intégrées pour répondre aux appels d'offres. Cela pourrait réduire les opportunités pour les petites structures spécialisées ou les bureaux d'études indépendants de participer directement aux projets, à moins qu'ils ne fassent partie d'un plus grand groupe.
Pour contrebalancer ces risques, il a été suggéré d'accompagner l'introduction du BIM obligatoire avec des mesures de soutien ciblées pour les PME, telles que des programmes de formation, des aides financières pour l'acquisition de logiciels de BIM, et des initiatives pour faciliter l'accès à ces technologies. En outre, il pourrait être judicieux de mettre en place des seuils progressifs et des dérogations ciblées pour permettre une transition plus équilibrée et juste pour tous les acteurs du marché.
Est-ce le BIM ou la maquette qui serait exigée ?
Selon les discussions de la table ronde, il semble que la distinction entre exiger le BIM ou une maquette numérique comme livrable soit un sujet de débat important parmi les intervenants. Le BIM, en tant que processus global de gestion des informations du bâtiment, inclut l'utilisation de maquettes numériques mais ne s'y limite pas. Il englobe également la gestion et l'échange d'informations tout au long du cycle de vie d'un projet.
Durant la conférence, plusieurs intervenants, notamment Candice et Florian, ont discuté de l'importance de la maquette numérique comme un composant central du BIM. Ils ont souligné que, pour les maîtres d'ouvrage, la livraison de la maquette numérique pourrait être exigée comme partie intégrante du processus BIM. Cette maquette numérique serait utilisée non seulement pour la conception et la construction mais aussi comme un outil crucial pour la gestion et l'exploitation des bâtiments après leur construction.
Comment la commande publique utilise-t-elle actuellement le BIM du point de vue juridique ?
D'après les discussions de la table ronde, l'utilisation du BIM dans la commande publique française, du point de vue juridique, est encore en développement et n'est pas entièrement uniformisée. Cédric a exprimé des réserves concernant le Cahier des clauses administratives générales (CCAG), mentionnant que les textes actuels ne précisent pas clairement l'utilisation du BIM. Il a signalé que, bien que les CCAG de 2021 aient tenté de faire référence au BIM, ils n'offrent qu'un commentaire général sans intégrer fermement le BIM dans les procédures de la commande publique.
Florian, en tant que représentant des pouvoirs publics, a complété en indiquant que si certaines directives et recommandations existent pour encourager l'usage du BIM, il n'existe pas encore de "référentiel général BIM de l'État" bien établi qui régirait de manière exhaustive l'utilisation du BIM dans la commande publique. Il a mentionné l'importance de la directive européenne de 2014 qui encourage l'utilisation du BIM pour les marchés publics, tout en soulignant que la traduction de cette directive en législation française n'a pas été suffisamment spécifique concernant le BIM.
Quelles seraient les mesures à mettre en place en parallèle pour palier aux manques de maturité de certains acteurs et éviter de creuser les inégalités ?
Pour remédier au manque de maturité de certains acteurs tels que les architectes et les bureaux d'études techniques face à l'obligation du BIM, plusieurs mesures d'accompagnement ont été discutées lors de la table ronde. L'une des propositions clés consiste à mettre en place des programmes de formation et de certification spécifiques au BIM, destinés à améliorer les compétences des professionnels du secteur. Ces formations devraient être accessibles financièrement et géographiquement pour assurer une participation équitable de tous les acteurs, y compris les petites structures.
Il a également été suggéré de créer des subventions ou des aides financières qui pourraient aider les petites entreprises à acquérir le logiciel nécessaire et à moderniser leurs processus opérationnels pour répondre aux exigences du BIM. De plus, la mise en place d'un réseau de soutien technique pourrait aider les entreprises moins avancées à surmonter les défis techniques et opérationnels liés à l'adoption du BIM.
Enfin, une collaboration accrue entre les acteurs publics et privés a été recommandée pour partager les meilleures pratiques et les innovations. Cela pourrait inclure des partenariats entre grandes entreprises et PME, ou entre institutions éducatives et entreprises, pour faciliter le transfert de connaissances et de technologies. L'objectif serait de créer un écosystème où le BIM peut être exploré et implémenté de manière inclusive, minimisant ainsi les risques d'inégalités et maximisant les bénéfices pour l'ensemble du secteur.
La France a t elle réellement les moyens d'accueillir un BIM obligatoire ? Avons nous les moyens de former, d'accompagner et financer ce type de démarche sur un domaine qui cherche encore sa stabilité technique ?
Les intervenants de la table ronde ont abordé avec prudence la question des moyens de la France pour accueillir un BIM obligatoire, en soulignant plusieurs aspects essentiels pour réussir cette transition. Il a été reconnu que, bien que la France possède une solide infrastructure académique et un tissu industriel capable de soutenir la formation et l'adoption du BIM, des défis substantiels subsistent, notamment en termes de stabilité technique et d'adaptation des petites et moyennes entreprises.
Florian a souligné l'importance de la progressivité dans l'implémentation du BIM obligatoire, proposant que l'adoption soit échelonnée pour permettre aux différents acteurs du marché de s'adapter progressivement aux nouvelles exigences. Il a également mentionné la nécessité d'un accompagnement étatique, incluant des formations ciblées et des aides financières pour les entreprises nécessitant un soutien pour intégrer le BIM dans leurs opérations.
Candice, d'un autre côté, a suggéré que les initiatives d'accompagnement doivent également inclure une dimension stratégique pour valoriser le travail des professionnels et les inciter à adopter le BIM non seulement comme une obligation mais comme une opportunité d'améliorer leurs opérations et leur compétitivité.
Existe-t-il déjà le calendrier prévisionnel des étapes de mise en place du BIM obligatoire ?
D'après les discussions de la table ronde, il n'a pas été mentionné de calendrier prévisionnel spécifique concernant les étapes de mise en place du BIM obligatoire en France. Toutefois, plusieurs intervenants, notamment Cédric, ont abordé la nécessité d'une approche progressive pour l'adoption du BIM. Il a suggéré qu'un délai de préparation et d'adaptation serait nécessaire, évoquant un horizon possible de mise en œuvre autour de 2026 pour les premières phases.
Cédric a également souligné l'importance de consulter tous les acteurs concernés, y compris les petites et moyennes entreprises, pour établir un cadre réglementaire qui tienne compte des différentes capacités et besoins. Cette phase de consultation serait cruciale avant de fixer des dates précises et de lancer officiellement les étapes de l'obligation du BIM.