Les niveaux du BIM : Méthodes de collaboration - Partie 2
Comme promis la suite de l'article précédent Les niveaux du BIM ou Level of BIM - Partie 1
Méthodes de collaboration
Chaque niveau de BIM est caractérisée par des méthodes et des vecteurs d'échanges différents.
Les niveaux 0 et 1 :
Entre le niveau 0 et le niveau 1 , hormis le support de travail et éventuellement les supports d'échanges, on ne peut pas parler de réel changement de méthode de travail entre les différents intervenants. Dans le niveau 0 on échange principalement des papiers ou des papiers électroniques (PDF). Dans le niveau 1, on échange des fichiers informatiques 2D certes (même si l'architecte travaille déjà en MN) mais avouons-le, ces fichier 2D contiennent rarement plus d'information qu'un dessin papier. Cela permet au mieux de dessiner plus vite mais pas mieux !
Un plan (papier, PDF ou DWG) ne dit pas grand-chose du projet surtout pendant les premières phases d'études. Il faut compléter par d'autres documents, écrites (notices explicatives) ou graphiques (coupes , façades, perspectives) qui prennent du temps à être établis et qu'on ne va donc fournir qu'une fois le projet déjà bien avancé (souvent pas avant la phase APD). En gros, très longtemps, la connaissance globale du projet reste dans le seul esprit de l'architecte.
Ce qui peut distinguer les deux (niveau 0b et 1a) c'est éventuellement l'usage d'outils d'échange plus performant que le simple mail. Des armoires à plan, des plateformes de collaboration en ligne qui permettent, même si le support échangé reste basique, de retrouver une certaines "performance" informatique : synchronisation des dernières versions, historique des modifications, … toute ces chose qui préfigure le BIM N2 et N3.
Dans ce sens, il est intéressant, je trouve, de considérer qu'il peut y avoir déjà du BIM, dans les seuls aspects d'échanges, même s'il n'y a pas forcément de la 3D. C'est ce qui nous fait souvent dire que le BIM ne se résume pas qu'à la 3D. Un fichier 2D n'est pas non plus dénuer d'information. Il peut se retrouver dans des objets espaces ou pièce qui donnerait de l'information de surfaces, d'affectation, … Il y a aussi des blocs 2D qui peuvent contenir de l'information. Comme Il y a aussi certains logiciels métier qui sont capables d'exploiter de la donnée présente dans des fichiers 2D pour créer et enrichir leur propre base de donnée. Je pense ici tout particulièrement à un logiciel comme Attic+ de l'éditeur Bernard Informatique qui permet de modéliser des quantités depuis un plans DWG en s'appuyant sur des traits.
Il s'agit là d'une interprétation personnelle pour laquelle tout le monde ne sera pas d'accord.
Le niveau 2 :
Avec le Niveau 2, on rentre vraiment dans le cœur de ce qu'est le BIM à savoir la collaboration pluridisciplinaire. A partir de ce niveau de maturité, plus que les supports d'échanges en eux-mêmes, ce sont les méthodes de collaboration et les relations pluridisciplinaire qui commence à se transformer.
Ce qu'on constate c'est l'intervention plus précoce des BE techniques dans les études. Pourquoi ?
Un des raison est la suivante : avec la maquette numérique, on dispose d'un aperçu immédiat (visuel et de l'information) du projet bien plus complet et si comme le requiert un niveau 2, on est capable de communiquer cette maquette avec les autres, la diffusion de la connaissance du projet est capable de transiter beaucoup plus rapidement de l'esprit de l'architecte à l'esprit des autres intervenants.
Ce niveau est le niveau de l'interopérabilité puisqu'il s'appuie principalement sur l'échange de fichier au format ouvert IFC. Il permet aux partenaires d'exploiter directement les informations contenues dans la maquette pour réaliser à leur tour leur études. Dans beaucoup de cas, l'échange est unidirectionnel (de l'architecte vers le thermicien par exemple) et le retour d'information dans la maquette initiale ou principale doit se faire manuellement.
Dans le cas de collaboration sur plateforme cloud (niveau 2b) de type BIM+ ou BIM 360 glue, les maquettes sont centralisées sur des serveurs cloud proposant des services de gestions, d'analyse ou de synthèse. Une partie des études peut donc être "délocalisée", effectuée sur ces serveurs. Quelques soit la richesse des services proposées, les modifications de la maquette principale de travail doit se faire manuellement depuis l'outils principal de modélisation (REVIT ARCHICAD ou ALLPLAN pour ne citer qu'eux). Du moins pour l'instant.
L'écueil de cette méthode consiste dans une de ses conséquences : la multiplicité des maquettes (une par compétence) et donc la dispersion des informations dans ces différentes maquettes. Même s'il y a, à un moment donné, regroupement au sein d'une maquette principale (pour le DOE par exemple) la consolidation des informations restant principalement manuelle, le risque d'erreurs humaines et donc d'incohérences, reste fortement présent. Hors, un des promesse du BIM est quand même la quasi "disparition" des incohérences.
Le niveau 3 :
Parler du niveau 3 est périlleux car c'est encore pour beaucoup un idéal dans un futur plus au moins proche comme je l'ai déjà dit.
A ce stade, il n'y a plus d'échange de fichier mais une vrai collaboration continue, constante et très précoce entre les intervenants.
Ce niveau de collaboration demande de la part de tous les acteurs une mise au point des méthodes et une rigueur de travail très importante. Les accès et autorisations doivent parfaitement être gérés et planifiés. Le rôle du BIM manager "chef d'orchestre" prend ici toute sa pertinence.
Le niveau 3 pose actuellement plus de question qu'il ne donne de réponse. Certaines personnes, confrères ou autres, avec qui je discute de ce sujet craignent les conséquences plausibles d'un tel bouleversement :
- Pour les architectes, que deviendra leur nouvelle place dans une équipe d'ingénierie concourante ?
- Qui est propriétaire des objets, de la maquette ?
- En cas de problème, qui sont les responsables? Les responsabilités peuvent elles être clairement définies ?
- Par sa totale transparence, tout le monde, en fonction de leurs accès, peut avoir accès à mon savoir ou mon travail ?
- Et non des moindres : sera-il possible de travailler ainsi en dehors d'un même éditeur de logiciel ?
- ....
Ces questions commences d'ailleurs déjà à se poser en niveau 2 mais la multiplicité des maquettes et le fait que les IFC restent pour l'instant un format "mort", rassurent quelque part ...
Conclusion
Comme tout classement, cette classification a tendance à cloisonner un peu trop arbitrairement les pratiques. Des pratiques hybrides peuvent exister chez certains d'entre nous, avec des outils particuliers, à mi-chemin entre ces différents niveaux. Par exemple, si un jour, l'IFC (format ouvert d'échange) ou les applications qui le traduisent, avaient la capacité à enrichir directement les maquettes dans les outils principaux de modélisation. Serions-nous encore en niveau 2 ou déjà en niveau 3 ou alors dans un niveau intermédiaire de type 2,5?
Les choses peuvent également être moins homogène même au sein d'une même équipe. J'ai rarement vu des équipes qui était soit toute niveau 2 ou soit toute niveau 3. De plus, les enjeux ne sont pas les mêmes entre chaque compétences. Entre l'architecte et les BE fluide, un niveau 2 suffit largement pour garantir une excellente coordination. Pas certain d'ailleurs qu'un niveau 3 apporterait plus en matière de collaboration entre ces deux compétences.
Par contre, entre l'architecte et la structure, pour ceux qui ont déjà expérimenté des niveaux 2, ils se sont bien souvent trouvés confrontés aux limites actuelles du niveau 2. Ne parlons même pas de la collaboration entre deux architectes ou entre un architecte et un architecte d'intérieur, responsable d'un "space planning" de bureaux. Entre ces dernier, personnellement, je ne vois pas de solutions performante en dehors d'un niveau 3.