Le BIM pour les monuments historiques avec Pierre NAVARRA
Bonjour Pierre, vous êtes référent BIM et co-fondateur de l’agence SONA architecture à Nantes en Bretagne, pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel ?
Bonjour Mohamed, et merci de nous recevoir. J’ai suivi une formation d’ingénieur en micro-électronique, j’ai par la suite occupé durant quelques années un poste de développeur informatique pour enfin être salarié pendant dix ans dans une agence d’architecture nantaise. Enfin, et je tiens à le dire car cela est important pour moi, mon parcours professionnel ne serait rien sans la lecture qui me semble essentielle dans la vie des hommes.
Créée en décembre 2014 avec Emmanuel SORIN, l’agence SONA fête ce mois ses deux années d’existence déjà ! Comment a été le début et l’évolution durant ces deux années ?
Avec Emmanuel (architecte de formation), nous aimons bien citer Paul Valery : « La plus grande liberté nait de la plus grande rigueur ». A notre petite échelle, voici comment nous l’interprétons : « une bonne maîtrise des outils libèrera le geste ». C’est avec cette forte conviction que nous nous sommes associés et créé SONA.
Depuis deux ans, nos journées sont riches de rencontres, de projets d’architecture, mais également de projets de recherche et de développement. De temps en temps, nous sommes sollicités pour intervenir dans des conférences, des formations. Bref, nous ne nous ennuyons pas !
Le BIM est un axe central chez SONA, pouvez-vous nous-parler de son implémentation dans votre agence et des projets traités avec le BIM ?
En effet, le BIM est depuis le départ notre méthode de travail et les solutions Autodesk sont nos outils au même titre que nos crayons. L’utilisation d’une telle méthode nous oblige à une certaine rigueur, mais cette méthode nous ouvre bien des portes.
On pourrait presque dire que la méthodologie BIM a créé SONA. Nous étions tous les deux convaincus par cette méthode et c’est pour cela que nous l’avons intégrée dès le départ dans notre business plan (achat de logiciels, temps accordé à la recherche et au développement, à la veille, aux conférences, aux formations, etc.). Nous utilisons sans restriction pour nos projets les outils permettant d’appliquer la méthodologie BIM. Certes, la majorité de nos clients ne l’exigent pas forcément mais qu’importe, c’est à nous d’arriver à les convaincre, ou pas et c’est cela qui est plaisant.
Durant ces deux premières années, nous avons travaillé sur plusieurs types de projets : constructions neuves, aménagements tertiaires et industriels, réhabilitations d’immeubles et récemment la rénovation de bâtiments classés monuments historiques.
Vous vous-servez du BIM dans des projets de monuments historiques, pourriez-vous nous dire un peu plus sur ces projets et en quoi le BIM vous a servi concrètement ?
Nous utilisons les outils nous permettant d’accéder à la méthodologie BIM au service du projet. Dernièrement, sur un projet de commerce de luxe, c’est avant tout notre expertise en tant que maître d’œuvre et l’utilisation que nous faisons de cette méthodologie qui a séduit le client. A la base, il nous consultait car il savait que nous étions capables de traiter des informations issues d’un relevé 3D (nuage de points). Mais quand il a compris que nous pouvions non seulement lui fournir une maquette numérique mais qu’en plus, nous pouvions l’enrichir d’informations, alors il a été convaincu par la méthode.
Comment procédez-vous pour la numérisation de ces ouvrages ?
Vaste question !
Il est important de garder à l’esprit que ces nouveaux outils sont avant tout utilisés pour faire du projet. Depuis deux ans, nous travaillons avec une entreprise nantaise qui s’appelle Liber-D ainsi qu’une entreprise parisienne Passiv’City. Je vous invite à les consulter pour vos relevés 3D, ce sont des personnes très disponibles et extrêmement compétentes dans son domaine. De la petite extension de 50 m² à l’immeuble Haussmannien de 80.000 m², en passant par un commerce de luxe, nous avons tenté avec Liber-D d’adapter nos méthodes en fonction des besoins du client. Liber-D nous a énormément appris dans le domaine du relevé 3D et sur les outils qui en découlent.
Dans le cas du château classé sur Nantes, Comment avez-vous procédé ?
Petite précision avant tout ; nous n’étions pas mandataire sur ce projet. Nous étions les sous-traitant de l’agence d’architecture ENET-DOLOWY qui elle-même avait comme client l’agence de promotion QUALYTIM.
- Le scan : nous nous sommes rendus sur place et nous avons apporté notre connaissance en tant que maître d’œuvre sur les éléments qui nous semblaient essentiels de scanner en vue de garantir la bonne exécution du projet. Le bâtiment étant classé, le projet concernait essentiellement l’aménagement intérieur. Un scan léger a donc été effectué en extérieur. Pour ce qui est de l’intérieur, les cages et surtout les combles ont été scannés avec une grande précision.
- Le cahier des charges : sur ce dossier, le client n’a pas émis le souhait d’une méthodologie BIM, donc, je ne te cacherai pas que le BIM était d’un niveau plutôt proche du 1. Qu’à cela ne tienne, nous avons rédigé notre propre cahier des charges, avec nos exigences en matière de modélisations et de DATA.
- Les livrables du relevé 3D : Liber-D nous a livré le nuage de points au format natif, assemblé les scans en un seul fichier au format Recap avec les positions de scans répertoriées sur un plan. Nous avons obtenu également des images ortho à l’échelle. Ces dernières sont importantes car elles facilitent la modélisation, une fois importées dans Revit.
- Sur Revit, nous démarrons à partir d’un gabarit dédié à la rénovation que nous tentons d’améliorer au fil des projets. Nous importons le nuage de point géo-localisé et la modélisation commence. Le bâtiment existant est associé à une phase que nous appelons État des lieux. Nous calons les coupes par rapport aux images ortho, nous jouons sur les profondeurs de vue des coupes et des plans pour affiner l’affichage du nuage de points. Pour faciliter la modélisation, nous avons développé quelques modestes outils :
- positionnement automatique d’une famille Scan affichant dans le modèle tous les points de scans avec leurs noms
- afficher ou masquer en un seul clic le nuage de points
Nous jonglons continuellement entre le visualiseur de nuage de points et Revit. Enfin, nous engageons la phase projet.
Vous êtes assez impliqué dans l’évangélisation du BIM en région « Bretagne », quelles sont vos activités dans ce cadre ?
J’aime assez la citation de Socrate qui disait que « Le savoir est la seule matière qui s’accroît quand on la partage ». En ce sens, je dirais plutôt que nous échangeons autour de la méthode BIM et que ces échanges nous enrichissent. Il nous arrive de participer à des conférences, nous rédigeons quelques articles, nous commençons à former (et nous ne sommes pas les seuls !) les élèves du Bac Pro du Lycée Aimée Césaire à Clisson.
Quels conseils donneriez-vous aux agences et architectes en vue d’implémentation du BIM dans leurs projets ? Par où commencer concrètement ?
Je permettrais de dire qu’il faut être curieux de tout et qu’il est primordial de rester à l’écoute des besoins de chacun. Formez-vous, n’ayez pas peur d’investir de votre temps et de votre argent pour la mise en place de ces nouveaux outils. Soyez rigoureux tout en restant créatifs.
Enfin, il est important de se préoccuper de la responsabilité de votre agence concernant les livrables découlant d’une méthodologie BIM. Pour cela, je ne saurais trop vous conseiller, tout comme nous, à vous rapprocher d’experts dans ce domaine.
« Un dernier mot ? »
Merci Mohamed et merci à HEXABIM qui fait un super boulot.
Merci également à tous ceux qui nous accompagnent : Jérôme BEAUCHÊNE qui apporte à SONA sa forte expérience technique architecturale et « BIMesque », Yan KOCH (Liber-D), Bloc In Bloc, Julie GUEZO (Architecte et référent BIM), Emmanuel Di Giacomo (Autodesk), Les éditions Eyrolles, L’école d’Architecture de Nantes, L’UNSFA 44, le Gep’Atlantique, Atlancad, Denis ESNAULT, Jérôme BLIN, Gaëtan CHEVRIER, Nolwen, Guillaume, Estelle, Emmanuelle et à tous ceux que j’ai oublié de citer (qui j’espère m’en excuseront).