Le BIM et la liberté du maître d’œuvre avec Xavier Soule PDG de Abvent | Parlons BIM
Pour cette 6ème édition de la série d'interviews mensuelles "Parlons BIM", nous avons eu le plaisir de rencontrer Xavier SOULE, fondateur et PDG de Abvent, concepteur et diffuseur de technologies et de services dédiés aux professionnels de l’architecture, très connu avec la solution ArchiCAD utilisée dans 80 pays du monde !
Nous découvrirons de plus près Abvent et sa vision du BIM et de la maquette numérique, le parcours personnel de son fondateur Xavier SOULE, ce qu'il pense de l'évolution du monde de l'architecture et de la liberté de la maitrise d’œuvre avec l'arrivé du BIM, sans oublier bien sûr l'engagement de Abvent vis-a-vis de l'OpenBIM.
Bonjour Xavier Soule, vous dirigez le Groupe Abvent. Pouvez vous nous présenter cet éditeur français historique ?
Créée dés 1985 en Californie par trois architectes français autour de la modélisation 3D, Abvent porte cette double originalité de l’invention technologique française et de la grande proximité aux métiers de l’architecture. En 1992, nous avons franchi un étape importante grâce au soutien de l’ANVAR et de 4 financiers européens qui nous ont permis d’accroitre nos capacités de recherche et de développement avec de multiples partenariats internationaux et d’élargir le spectre de notre activité en associant l’édition et la distribution de logiciels nouveaux.
Présent dans 108 pays, nous investissons aujourd’hui plus de 30% de notre chiffre d’affaires en R&D, et notre offre se déploie autour de solutions fortement dénotées de la concurrence. De la modélisation 3D (SketchUp et ARCHICAD que nous avons introduit en 1987), à la gestion de l’agence et du chantier (BIMx LibéCompta et BIMoffice) en passant par l’imagerie 3D (Artlantis, Render(in), iVisit360) et désormais Twinmotion, inventant l’immersion 3D, unique au monde et primé aux Mondial du Bâtiment Awards 2015 qui viennent d’être décernés.
- Richard Johnson Square-Hires, Sidney © Rice Daubney & David Duloy -
Vous êtes vous-même architecte, quel a été votre parcours personnel ?
Passionné d’architecture, j’ai évidemment choisi cette voie et comme tous les jeunes DPLG, j’ai commencé par participer à de nombreux concours sans beaucoup de réussite, faisant de l’expertise judiciaire pour assurer mes fins de mois. Puis, je reçois le Prix Auguste Perret et en 1984, je remporte six concours en commande publique qui me propulsent dans la pratique réelle du métier de bâtisseur.
C’est à cette époque que je découvre l’informatique et, grâce à l’activité dynamique de l’agence mes associés et moi, nous équipons de toutes les innovations de l’époque dont ces Macintosh révolutionnaires et nous plongeons dans leur exploitation inventive....
C’est ainsi, sans autre protocole que l’aventure Abvent débute. Imprévisible autant que passionnante, cette expérimentation créative du quotidien est assez proche de l’esprit concours que nous vivions. La vivacité économique qui accompagne cette industrie naissante ne tarde pas à empiéter sur mes chantiers de logements ou de groupes scolaires, jusqu’à reléguer ma pratique d’architecte au second plan, sans que j’y renonce, jamais.
Membre de l’UA92, je suis toujours inscrit à l’ordre et même certifié ISO9001 et ISO14001 ; dirigeant l’école Spéciale d‘Architecture en 2012/2013, je reste un Architecte totalement concerné par ma profession.
La diffusion internationale de nos technologies me permet aujourd’hui de rencontrer des confrères du monde entier, et créer des outils qui ont pour vocation d’être utilisés par tous est, plus que jamais, pour moi un fabuleux engagement professionnel d’Architecte.
- The Camp-Vue extérieure © Vezzoni & Associés -
La proximité d’Abvent avec les Architectes vous fait-elle réagir avec anxiété aux enjeux du BIM?
Quelle étrange question pour Abvent qui s’est engagée dans ce concept de la maquette virtuelle dés 1996 avec l’introduction du Virtual Building et du TeamWork au cœur d’ARCHICAD !
L’idée du BIM et sa mise en œuvre avec l’OpenBIM, sont des réalités quotidiennes ouvertes à nos utilisateurs. Qu’ils se contentent des compatibilités universelles des formats de fichiers ou qu’ils en pratiquent aujourd’hui le partage interopérant des données, les Architectes savent que le BIM est porteur de leur avenir.
Nous leur donnons des technologies ductiles et versatiles ; l’agilité et l’esprit créatif qui sont le propre de l’Architecte démontrent leur place privilégiée pour en inventer la mutation méthodologique.
Vous pensez réellement que les Architectes sont les maîtres de la révolution du BIM?
Tout d’abord la numérisation du projet et l’échange de fichiers n’est pas une révolution fondamentale dans la pratique quotidienne de la formalisation du projet. L’abandon de la planche à dessin manuelle a déjà quelques décades d’expérience. Ce qui est enjeu, c’est le contexte économique et industriel dans lequel se développent de nouveaux paradigmes d’appréhension de notre espace construit.
La montée en puissance de nos technologies de captation et manipulation de données laisse le champ à une infinité de sources hétérogènes qui conduisent à la parcellisation élémentaire des phénomènes descripteurs du projet. Cette prolifération est telle que l’agglomération des données multiples et la normativité des critères d’évaluation laissent croire qu’ils produiraient assez de connaissance pour énoncer correctement le projet.
Cette anarchie productive laisse se développer un étrange tissu de métiers connexes à la Maîtrise d’œuvre comme les BIM Managers, les Record Managers, les Space Planners, les AMO …
Au milieu de tous ces néologismes technocratiques désordonnés, la pensée en jachère doit affirmer la nécessité et l’efficacité de l’architecture maîtrisée. Le corollaire en est à la fois une grande opportunité pour les Architectes qui comprennent que le BIM est porteur de leur avenir et une exigence à repenser leurs outils et leurs méthodes.
Les Architectes ne sont pas les maîtres d’une déviance technocratique, ils sont saisis d’une exigence de pensée inventive et radicale sur la gouvernance du projet.
- Microsoft office complex in Graphisoft Park - Budapest Lukacs & Vikar Architectes © Graphisoft -
Au-delà de la montée en puissance et performance des solutions que vous proposez, vous semblez particulièrement attaché à la liberté du maître d’œuvre !
Oui, nous sommes conscients qu’au delà des innovations algorithmiques ou des gains de performances techniques, de profondes mutations viennent ré-articuler les modes d’évaluation et de conduite du projet. Compte tenu de cette importante nécessité de la Maîtrise d’Œuvre, libre et ouverte à la richesse des multiples qu’elle doit gouverner, les outils que nous lui fournissons doivent s’inscrire au centre de l’OpenBIM.
- IFC Manager dans ARCHICAD © Graphisoft -
Dans cette appropriation de nouveaux territoires productifs, notre engagement ne peut se cantonner à la vitesse et à la souplesse des outils que nous inventons. Nous sommes concernés par le sens que nos outils donnent à la détention du savoir et à la capacité productive.
La domiciliation des bases de synthèse du projet, ou la possession immédiate et constante des instruments de dessin, de simulation et de description sont des enjeux techniques, commerciaux et juridiques face auxquels Abvent prend une position singulière, nourrie de sa proximité métier.
Pouvez-vous nous évoquer les axes de R&D sur lesquels vous travaillez pour demain ?
- Application BIMx © Graphisoft -
Notre premier investissement est évidement articulé autour des produits qui nous distinguent de la concurrence à commencer par ces technologies d’immersion et d’imagerie virtuelle.
Nous explorons également aujourd’hui trois niveaux de questionnements fonctionnels auxquels nos innovations technologiques doivent proposer des résolutions: la gestion des flux d’échange, la gouvernance du projet et l’exploitation du bâtiment produit.
Ces axes de réflexion portent sur les outils structurels des procédés OpenBIM (BIMCloud, BIMx et BIMoffice).
Ils ne suffisent pas à appréhender les mutations profondes portées par la virtualisation du projet et le changement de temporalité lié aux métadonnées associées aux nouveaux descripteurs de l’objet architectural. Plongée dans une nouvelle complexité, la projétation appelle de nouveaux instruments de vision synthétique. Représentation prédictive du bâtiment cheminant vers son obsolescence mais aussi invention d’un regard sur l’espace associé aux émancipations technologiques comme cette mode du drone, des instruments d’immersion ou des avatars réalistes.
Nos départements de R&D travaillent actuellement sur plusieurs outils d’imagerie fortement engagés sur ces concepts de représentation, de navigation et de créativité en temps réel.
- Twinmotion © Gejian Architects and Engineers -
Vous avez découvert hexaBIM récemment, que pensez-vous de cette plateforme ?
HexaBIM est à l’image de l’univers du BIM en construction, un lieu de rencontre, de partage d’expériences, de questionnements. Précieux en cette période de mutation !
Un grand merci à vous Xavier SOULE pour le temps accordé à notre interview mensuelle "Parlons BIM"
à Pascal Faucher aussi d'avoir organisé cette rencontre et de sa présence active sur hexaBIM !
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