Modélisation paramétrique, interopérabilité et solutions Open BIM alternatives avec Rémy MAURCOT
Nous sommes nombreux à nous demander s'il existe des solutions BIM alternatives, performantes et moins coûteuses ! Nous avons posé la question à Rémy MAURCOT, formateur, spécialiste en modélisation paramétrique et chef de cellule 3D, il nous présentera son parcours, ses outils de prédilection et nous permettra de découvrir de plus près la modélisation paramétrique et ses atouts ainsi qu’une synthèse de l'interopérabilité entre théorie et pratique !
Quel est votre parcours et comment êtes-vous arrivé au BIM ?
Passionné par le dessin, je me suis rapidement intéressé aux nouvelles technologies 3D, via les logiciels AutoCAD, REVIT, 3D's Max, Blender ou encore Solidworks et j’ai décidé d'en faire mon métier. Je suis entré au sein d’un bureau d’ingénieurs conseils et ai évolué vers un poste de responsable de la cellule 3D composée d’une équipe de huit personnes. Je travaille à la modélisation 3D de grands ouvrages en utilisant notamment le logiciel Rhinoceros. Ce logiciel m'a d'ailleurs ouvert au monde du développement d'applications, activité que j'exerce depuis 2011 en tant qu'auto-entrepreneur.
Par ailleurs, le BIM est déjà une méthode de travail que j'utilise depuis mes premiers projets sans pour autant parler concrètement de BIM. Il faut garder à l’esprit que cette méthode n'est viable que dans un processus rigoureux et au sein d'une équipe motivée.
Que faites-vous actuellement ?
En tant que Responsable d'une cellule 3D au sein d'une grande ingénierie française, ma mission a été tout d'abord de valider une solution viable pour l'étude et la conception d'aménagement de Barrage Hydroélectrique, d'assister l'équipe de la cellule afin de réaliser à bien nos différentes missions et enfin de faire de la R&D ainsi que de la veille technologique au sein de cette cellule 3D.
Barrage Theun Hinboun
Auto-Entrepreneur depuis 2011 pour le conseil, développements logiciels et formation autour de la maquette numérique. J’aide entre autres les entreprises à passer à la maquette numérique et au BIM.
La tour ODEON à Monaco
Quel est votre logiciel ou solution de prédilection ?
J'ai commencé à travailler avec le développement d’outils sur AutoCAD et Excel pour la conception d'ouvrages hydrauliques. Puis j’ai découvert en 2009 un logiciel hors du commun : Rhinoceros 3D, qui permet de concevoir et de modéliser en toute liberté dans un univers purement 3D.
À partir d'une esquisse, d'un dessin, d'un modèle physique, de données scannées ou tout simplement d'une idée, Rhino permet de créer, éditer, analyser, documenter, rendre, animer, et traduire des courbes, des surfaces et des solides NURBS sans aucune limite en termes de complexité, de degré ou de taille. Rhino peut aussi travailler avec des maillages et des nuages de points notamment grâce au plugin RhinoTerrain.
Ce dernier permet de modéliser/analyser/étudier n’importe quel terrain du plus petit au plus grand et c’est d’ailleurs l’un des seul à avoir autant de facilité pour intégrer nos ouvrages !
Il nous permet de modéliser des terrains de toutes tailles avec une facilité déconcertante notamment à partir de données LIDAR, format standard dans les études hydrauliques, qui nécessitent une topographie étendue du site jusqu’à la queue de la retenue du barrage.
Une modélisation de forme libre 3D sans contrainte :
Logiciel Free-form et open source, il n’a aucune limite en termes de géométrie et de quantité d’informations.
Une plateforme de développement avec un éditeur très à l’écoute et très réactif :
Accompagné de Grasshopper, un plugin natif de Rhinoceros, c’est un vrai logiciel de programmation visuelle qui permet de faire de la modélisation paramétrique et générative.
Grasshopper est une révolution à lui tout seul :
- Un outil de développement graphique
- Traitement en parallèle des données pour une efficacité optimisée
- Adapté à toutes les tailles de projets
Mais qu'est-ce qu'une modélisation Free-form ?
Rhinoceros 3D utilise le moteur NURBS, qui permet de modéliser toutes les formes de la plus simple à la plus complexe. La puissance de Rhinoceros 3D réside dans des outils d’une grande qualité afin de modéliser ces formes.
Le moteur NURBS devient de plus en plus un standard dans les logiciels de modélisation généralistes ou spécialisés car il permet de modéliser toutes les formes de la plus primitive (cube, sphère, etc..) jusqu’à la plus complexe.
La norme IFC 2*4 prend en compte ce type de modélisation ce qui en démontre bien l’importance.
Pourquoi la modélisation paramétrique ?
Lors de la conception ou l’étude de projets, il est essentiel de prévoir les différentes modifications qui vont intervenir tout au long du processus de création. Les différents intervenants sur un projet de grande envergure étant multiples, chacun ayant son mot à dire sur la conception, la flexibilité du modèle 3D, véritable support de validation du processus, est donc primordiale.
Exigeante, la modélisation paramétrique doit respecter des contraintes de bas et de haut niveau, comme par exemple la possibilité d’intervenir sur tous les paramètres du projet mais aussi sur la manière dont le modèle paramétrique a été conçu. Grasshopper répond parfaitement à ces problématiques.
Contrairement à d’autres logiciels, il n’est pas nécessaire d’anticiper les modifications et/ou changements intrinsèques de la conception. Nous sommes parfois amenés à utiliser d’autres solutions à cause d’exigences client, mais Grasshopper me semble être la plus adaptée.
Depuis un an, je m'intéresse à Dynamo, un logiciel de programmation visuelle intégré à Revit, très ressemblant à Grasshopper. Il permet de combler un certain manque dans Revit ou en tout cas de l’améliorer.
Via un plugin nommé Rhynamo, une connexion est possible entre Rhinoceros et Revit ce qui rend les possibilités encore plus grandes et assure un work-flow de grande qualité.
Certaines formes sont impossibles à modéliser dans Revit. Grâce à cette connexion, cela nous permet de résoudre tous types de problématiques géométriques.
Existe-t-il des solutions BIM open source ? Peut-on se passer des "solutions historiques" ?
Le BIM est un terme encore trop marketing où l’on pense d’abord « modèle 3D accompagné d’un peu de données ». On oublie trop souvent le reste : interopérabilité, diffusion, révision, propriété intellectuelle (…).
Le BIM n’est surtout pas un logiciel, ou un type de fichier natif venant d’un éditeur qui lui-même est peu à l’écoute de l’intérêt et de la bonne pratique de cette méthode.
Le BIM est malheureusement limité à ces outils graphiques, qui eux-mêmes sont limités par leur gestion du modèle, ou de la base de données. Aujourd’hui un viewer webGL couplé à une base de données MySQL peut remplir le même rôle.
La pratique du BIM est une méthode de collaboration entre TOUS les intervenants, qui ont leurs propres méthodes de travail, et leurs savoir-faire.
Lors d’un projet où la maquette numérique permet la gestion du projet, il n’est pas toujours évident de s’intégrer dans cette démarche, selon la compatibilité de son logiciel d’étude, ou tout simplement à cause du BIM manager qui n'est pas assez attentif aux problématiques de terrain des intervenants, qui imposent leur décisions sans toujours être à l’écoute.
Il y a les solutions tierces qui ouvrent cette fois ci une tout autre possibilité où l’on est maître de son modèle. Ces solutions semblent plus exotiques pour les utilisateurs néophytes, mais sont beaucoup plus efficaces dans le traitement des particularités, que l’on peut alors traiter à notre guise. Ces solutions peuvent paraître plus complexes, demandent une plus grande implication, mais sont nettement plus ouvertes et abordables.
Rappelons tout de même que le BIM est un moyen de concevoir un ouvrage en définissant sa géométrie et en étudiant cette dernière pour chaque intervenant, tout en permettant d’échanger des données qui ne sont pas représentées par des volumes (résistance des matériaux, coûts, planning, état de pose, gestion dans le temps, etc….)
Sur les logiciels classiques, que voit-on ? Des objets avec un niveau de détail allant d’une représentation simplifiée jusqu’à la représentation exacte, mais les logiciels ne sont pas toujours capables de lire les informations transmises entre les intervenants, car elles ne rentrent pas dans leur règle de gestion de data, ou dans leur classification.
Le BIM open source, lui, permet la circulation de toutes les informations dans le respect des règles mis en avant par MEDIACONSTRUCT, qui aborde ces problématiques essentielles dans un billet du 23/11/2015, IFC, PPBIM, ET IDM : Décryptages.
« Afin d’éviter pour chacun des projets de générer des BIM spécifiques, les acteurs du BTP doivent créer leurs spécifications d’échanges et les décrire conformément à leurs métiers, leurs besoins, leur savoir-faire dans des modèles de données. La normalisation va être ainsi un facteur clé d’appropriation du BIM. »
Mais qui aujourd’hui respecte parfaitement ces règles ? Les plus gros éditeurs de solutions logicielles semblent être peu à l’écoute de ces impératifs de premier ordre.
Il faut être rigoureux, connaitre son sujet, travailler en équipe, et pouvoir échanger sans barrière. Le but n’est pas d’être le meilleur, mais que la collaboration des équipes donne des réponses pertinentes et pointues pour la bonne réalisation d’un projet. Les différents intervenants auront alors le bénéfice d’une collaboration réussie et enrichissante, (à condition d’avoir pu communiquer simplement et efficacement). Cette collaboration doit se faire en mutualisant les habitudes et les connaissances de chacun. Le changement doit être progressif et prendre en comptes toutes les problématiques de chacun des métiers afin de ne pas perdre des interlocuteurs en cours de route.
Cela veut dire qu’il est important, peu importe la solution logiciel ou la méthode de travail qu'on utilise, d’apprendre à se connaitre, d’échanger dès le début pour trouver des terrains de concordance entre tous, et de définir les règles ensembles, plutôt que de se soumettre à une gestion de projet centralisé. Le mot OPEN ne fait-il pas penser au forum d’échange, où tout le monde peut interagir pour avancer ? Il existe aujourd’hui encore trop d’inconnu, d’incompréhension, de directives obscures, et surtout un manque d’implication et de fusion avec les entreprises du bâtiment.
L’open source est un vrai avantage dans le domaine de la construction et est par définition ‘collaboratif’. Il est plébiscité par les intervenants exigeants qui ont trouvé les failles des logiciels les plus classiques, ou qui ont connu les difficultés à être bridé par ceux-ci. En comprenant les tenants et aboutissants de cette démarche, on ne peut se laisser diriger dans une méthode théorique limitée. La gestion du chantier est plus qu’un planning, trop de paramètre rentrent en question, et ceux-ci ne peuvent être maîtrisés par les mêmes personnes.
Des solutions à faible coût permettent une visualisation de la maquette et permettent d’en ressortir des informations rapidement, à condition de savoir où les trouver et où les exploiter. D’où l’intérêt de savoir communiquer avec les bonnes personnes et de la bonne manière, avec un langage commun et intelligible reconnu par tous, ce que devrait être le BIM.
Certaines solutions logicielles par le biais de développement ponctuels communiquent très bien avec des bases de données mais est-ce pour un projet unique ou pour tous ? Seules l’expérience et l’exigence feront évoluer ces solutions. Les industriels du bâtiment l’ont bien compris, et ne se limitent pas à une solution mais restent les plus ouverts possible, pour améliorer leurs performances, et pour s’adapter au mieux à tous les corps de métier.
Que pensez-vous de l'IFC et de l'interopérabilité ?
Les problèmes dans le développement et l’adoption du BIM sont l’interopérabilité, et la juste valeur des données transmises.
Très prometteur, le format IFC nécessite de construire le projet de la même manière qu’il est construit en réalité. (Poteau, poutres, dalle, murs, etc...) Cela a ses avantages et ses inconvénients, par exemple au stade d’esquisse ou d'étude de faisabilité il est très complexe de savoir à l’avance comment le projet va être construit mais il apporte une garantie d’interopérabilité à tous les intervenants et pour tous les métiers. En toute logique ce format dit standard doit assurer une interopérabilité et doit s’imposer comme le format de référence auprès des éditeurs de solutions AEC.
Comme énoncé précédemment, l’interopérabilité est un concept qui vise l’échange universel des données. Mais selon le logiciel utilisé, tout dans un modèle n’est pas reconnu, en matière de 3D ou de données.
Un exemple basique de problématiques récurrentes sur l’interopérabilité :
- Le logiciel avec une gestion ‘propriétaire’ des données qui s’exportent mal, et qui ne peuvent être interprétées correctement.
- Une mauvaise gestion des paramètres définis par l’utilisateur qui ne rentre pas dans une charte textuelle
- Une codification de données avec des unités différentes et donc mal interprétées
Si nous respectons les règles émises par MEDIACONSTRUCT, tout le monde devrait pouvoir écrire une dictée avec 0 faute, mais ceci n’est encore que pure théorie avec les logiciels les plus connus. Dans ce cas, un logiciel open source demandera peut-être un peu plus de rigueur, mais permettra une réalisation transparente, avec un modèle plus ouvert.
L’interopérabilité implique cette situation : un logiciel métier permet à un industriel de concevoir, valider et fabriquer ce pour quoi on le missionne. Pourtant ce logiciel réputé ne permet qu’un export sommaire de son ouvrage, suivant les règles définies, qui devient donc un modèle approximatif. Pourtant c’est ce modèle qui sert à fabriquer l’objet final, et ne convient pas à la théorie, n’y a-t-il pas une erreur dans la démarche ?
L’interopérabilité exige de définir des règles et de s’y tenir, comme ne serait-ce que les unités et la retranscription des données dans celle-ci, l’intitulé et la syntaxe.
« Fenêtre battante » n’est pas la même chose que « FenetreBattante » et encore moins que « FENETREBATTANTE» et moins encore que « FEN_BAT ».
La charte BIM du projet doit intégrer le format IFC et ses règles. En s’inspirant de standard comme la norme PPBIM afin de s’assurer que la maquette soit pérenne pour tous les acteurs.
Le combat entre fichier natif et open source est une bataille d’interopérabilité, soumise aux caprices des licences et à leurs coûts. Un format natif sous-entend une version, une date, et implique donc une limite aux échanges… Est-ce un format interopérable ? Chacun a sa manière de travailler, parfois à l’opposé d’un autre intervenant.
Tout ceci est un long chemin de mise en place avant l’acceptation de méthodes reconnues par tous, transverses, comme le sont les normes qualité ISO, pour un travail efficace, productif et collaboratif.
Vous avez rejoint la communauté HEXABIM il n’y pas longtemps, qu'en pensez-vous ?
Très belle communauté, j’attends beaucoup de ce site. Il propose pas mal de choses intéressantes notamment la possibilité de regrouper en un seul site un blog, un forum de discussion, un site de diffusion d’images et un annuaire de professionnels.
Je suis modérateur de plusieurs sites comme CadXP, grasshopper3D, FrenchRhino3D qui sont plus axés forum de discussion et d’entre-aide, HEXABIM se place différemment et cela me semble être une bonne chose.
Un grand merci Rémy pour cette synthèse assez complète, vous nous avez donné l'envie d'explorer davantage les pistes de l'interopérabilité, de la conception paramétrique ainsi que l'environnement de Rhino et de Grasshopper ! Très prometteur !
Nous continuons à suivre vos exploits sur HEXABIM et nous vous souhaitons beaucoup de courage pour vos projets en cours et à venir !
N'hésitez pas à commenter ici si vous avez une question à Rémy ou un commentaire.