HEXABIM le Podcast (Ep3) - Le BIM en phase exécution pour les artisans et les TPE
Autodidacte devenu professionnel du BIM et entrepreneur, Anthony Lampert incarne l'appropriation du BIM par la pratique et l'expérience terrain. Dans ce troisième épisode podcast HEXABIM, Anthony Lampert traite de la phase exécution, et notamment des freins à l'implémentation du BIM en phase exécution. Nous verrons avec lui, son point de vue sur comment remédier à la perte de données, ainsi qu' un cas d'usage représentatif du type d'interventions qu'il effectue. Il sera aussi question dans ce podcast, de la nécessité de neutraliser les appréhensions vis à vis du BIM au quotidien, de développer l'apprentissage du BIM pour qu'il soit accessible et maîtrisé notamment par les artisans et les TPE, qui sont des acteurs essentiels et incontournables de la digitalisation de l'univers BTP. Sur le terrain, le BIM doit devenir un réflexe et non une contrainte ou un ultime joker pour aller de son projet de son construction.
HEXABIM vous propose ci-après, une retranscription synthétique de notre podcast.
1. Quel est votre parcours ?
Je suis Anthony Lampert cofondateur et BIM manager de la société DEFIBIM, que nous avons créé il y a maintenant presque 2 ans, avec l'idée que le BIM n'était pas seulement réservé à une certaine élite du BTP, mais que tous les acteurs du monde de la construction pouvaient en bénéficier, à condition que ce soit facile et adapté.
Quand j'ai terminé mes études dans le Génie Civil en 2011, je n'avais jamais entendu parler du BIM! Et ce n'est qu'en 2013, lors d'une expérience personnelle que j'ai commencé à en faire, d'ailleurs sans le savoir, en construisant ma maison. Comme je n'avais pas suffisamment d'expérience pour appréhender toute la technicité d'un tel chantier, j'ai décidé de modéliser dans les détails chaque élément. De ce modèle, j'en ai fait des plans pour déposer le permis de construire et ensuite des métrés pour établir le coût du projet. Le résultat a été plus que satisfaisant. (...)
2. Le BIM est censé être déployé sur toutes les phases d'un projet de construction pour que ce soit vraiment utile, est-ce le cas pour la phase EXE ?
Effectivement, on remarque une disparité dans l'utilisation des processus BIM, que ce soit en phase de programmation, de conception, de réalisation ou encore même d'exploitation.
A mon avis c'est parce que ces 4 phases correspondent à 4 mondes différents, différents parce que leurs priorités et leurs objectifs ne sont pas les mêmes. Les usages BIM les plus connus, répandus sont des usages qui correspondent aux attentes des MOA et MOE. Pourquoi? Parce que ce sont eux qui choisissent de travailler en BIM sur leur projet.
En conception, la majorité a compris l'intérêt du BIM et s'en sert déjà, tandis que sur le chantier, les acteurs ont beaucoup plus de mal à s'en saisir et l'utiliser. Un ingénieur bureau d'étude vous expliquera très facilement les bénéfices de collaborer autour d'une maquette numérique ? alors qu'un chef de chantier vous parlera plutôt des inconvénients de ce processus. (...)
3. Quels sont justement les freins à l' implémentation du BIM en phase EXE ?
J'ai observé trois freins majeurs à l'implémentation du BIM en phase EXE.
D'abord, c'est la digitalisation du secteur qui très faible : j'ai rarement rencontré des geeks sur un chantier.
L'informatique est loin d'être l'outil de prédilection des Compagnons, beaucoup d'entreprises de construction sont des artisans, des TPE, qui utilisent à peine un ordinateur ; même si ma génération et celles qui suivent vont me donner tort, il va falloir encore un peu de temps.
Dès lors, le BIM apparaît comme une problématique « non essentielle », et compliquée.
Les visionneuses BIM peuvent être difficiles à appréhender et à utiliser. Aujourd'hui le BIM est plutôt une contrainte pour eux, dès lors qu'il est obligatoire sur leurs chantiers. Il y a donc un gros travail de pédagogie et d'accompagnement à faire et à continuer sur les prochaines années- la CAPEB par exemple vient de sortir des fiches pour pratiquer le BIM, pensées pour les artisans.
Deuxième point, c'est la méconnaissance des usages et des possibilités qu'offrent le BIM. (...)
4. La perte de données entre les phases conception et EXE est une vraie problématique, comment peut-on y remédier ?
Effectivement, la perte de données tout au long du projet, qui est en partie liée à la multitude d'acteurs intervenant sur le chantier, est un vrai problème! Je suis persuadé que le BIM, s'il est mené intelligemment et dans l'intérêt collectif, peut y remédier.
Sur les projets où les protocoles BIM sont bien avancés, détaillés, cohérents et que la maturité des acteurs est suffisante, nous observons une diminution de perte de données entre ces deux phases, car tout le monde travaille sur la même maquette conteneur, les synthèses permettent de voir qui a prévu de travailler où, et de résoudre les conflits avant qu'ils n'arrivent …
J'ai pu observer que le processus BIM fonctionne nettement mieux quand le BIM manager et le bureau de synthèse sont les mêmes sur les deux phases. Lorsque ce n'est pas le cas, il y a une cassure dans le projet, et seul l'architecte devient alors le lien entre les phases de conception et réalisation – encore faut-il que sa mission lui permette de le faire. (...)
5. Pourriez-vous nous parler d'un cas d'usage concret en termes de sécurité et de mode opératoire ?
En phase EXE, nous intervenons plus généralement sur des projets de réhabilitation, plutôt que des projets de construction neuve. Nous travaillons généralement à partir d'un SCAN de l'ouvrage et de son environnement, grâce auquel nous obtenons un nuage de points de l'existant. Ensuite nous modélisons le projet, qui est donc intégré dans son environnement. Ceci nous permet de préparer les travaux d'une manière ultra concrète et réaliste, et d'obtenir des modes opératoires, des phasages, des plannings, des métrés…….Tout dépend des besoins de l'entreprise.
Pour vous donner un exemple concret, nous sommes intervenus dans un transformateur EDF ouvert, s'étalant sur ½ hectare où notre client avait pour mission de déconstruire et créer des ouvrages en béton spécifiques.
La problématique de notre client était : "comment puis-je intervenir et faire mon chantier sur ce site dangereux et contraignant, pendant qu'il reste en fonctionnement ?". Il y avait des règles de distance vis-à-vis des câbles électriques (périmètre de 3m tout autour) qui contraignaient énormément leur intervention. (...)
6. Quels conseils ou recommandations donneriez-vous aux entreprises qui hésitent encore à "construire" avec le BIM ?
Je dirai simplement « foncez ! » mais faites-le intelligemment.
Chaque entreprise a ses habitudes, ses particularités, ses savoir-faire : je suis convaincu que le BIM permet d'accroître toutes ces choses-là. La force du BIM c'est de pouvoir mieux concevoir afin d'anticiper au maximum la construction, et de résoudre en avance les risques et conflits. Dès lors, les usages du BIM dépendent des besoins de l'entreprise, qui eux-mêmes dépendent souvent du chantier et du contexte :
Vos déplacements sont limités mais vous devez expliquer une intervention sur un chantier? Pas de problème, on peut très bien envisager une visite virtuelle à partir d'une modélisation!
Vous souhaitez mieux communiquer avec vos sous-traitants? Créez une maquette numérique 3D et demandez à chacun de positionner et modéliser son intervention. (...)
Merci à Anthony Lampert pour sa participation à notre podcast.