Géomètres-Experts & BIM : Constitution d’un nuage 3D en vue d’une modélisation BIM - Avec Yann LALLINEC
Quels ouvrages ?
Prenons comme axiome que tout ouvrage existant peut faire l'objet d'une modélisation 3d. L'acquisition 3d brute, préalable à toute maquette, doit en conséquence pouvoir être mise en œuvre.
La topologie de la construction, ses matériaux, son accessibilité, son environnement technique et juridique, ou encore la finalité de la modélisation, conditionnent grandement les solutions techniques à mettre en œuvre.
Quels objectifs et contraintes ?
Une acquisition 3d réussie en vue d'une modélisation BIM répond à deux principaux objectifs, à savoir la qualité (précision, densité, géoréférencement), puis l'exhaustivité.
Les dimensions de l'ouvrage, la concomitance de travaux, une économie dans la mise en œuvre des mesurages peuvent mettre à mal la qualité attendue. L'absence de questionnement sur le système de coordonnées également.
Réaliser une numérisation suffisamment exhaustive nécessite de s'affranchir des contraintes intrinsèques des lieux (poutraisons, faux-plafond, réseaux, mobiliers, espaces en toitures inaccessibles, locaux techniques nécessitant des certifications, lieux confidentiels, …).
Enfin, le nouveau règlement sur la protection des données (RGPD) nous rappelle que ces masses d'informations acquises doivent être consciencieusement traitées et conservées.
Quels principes techniques ?
Deux principes techniques cohabitent : le laser et la photographie.
Le laser permet l'acquisition de distances, lesquelles couplées à d'autres données déterminent des points en coordonnées tridimensionnelles. Citons parmi ses forces, la précision millimétrique, la portée, l'acquisition dans le noir.
La photogrammétrie, a fortiori numérique, consiste à interpoler une série d'images entre elles, à partir de points communs identifiés automatiquement par les algorithmes de traitement (ou marginalement manuellement). Cet assemblage dans l'espace de données sources 2d permet de reconstituer une 3d. Citons parmi ses atouts, la résolution du capteur permettant une densité de points très importantes sur des zones de détails (mosaïques, fissures, …), à l'inverse l'usage en extérieur sur de grandes étendues, le rendu global photo réaliste, l'utilisation envisageable sous conditions sur surface vitrée.
Quels appareils ?
Concernant le laser, deux types de mise en œuvre sont à distinguer. L'acquisition par scanner 3d statique d'une part, l'acquisition par scanner dynamique d'autre part.
L'acquisition statique représente une évolution du tachéomètre laser. L'appareil est fixe durant la phase d'acquisition et chaque point est déterminé à partir d'une distance issue du laser (technologies usuelles par temps de vol ou différence de phase) qui est couplée aux paramètres angulaires des appareils de mesure (angles horizontal et vertical).
Chaque position statique génère un nuage de points, représentant la scène autour de l'appareil (0°-360° horizontalement, 30°env-180° verticalement). Le nuage 3d global est issu de l'assemblage de ces différents nuages ponctuels. La qualité et la méthodologie de l'assemblage est alors primordiale.
L'acquisition dynamique est une évolution du scanner statique. L'opérateur est mobile durant la phase d'acquisition (le scanner est soit sur un chariot de mesure, soit dans les mains de l'opérateur), tandis que le nuage 3d global se constitue et se pondère à l'avancement. L'intelligence de la mise en œuvre terrain conditionne la qualité du nuage. La technologie est connue sous le terme SLAM (Simultaneous Localization And Mapping).
Rappelons que le terme évolution est à dissocier de la notion de progrès et que chacune de ces deux méthodes présente des caractéristiques différentes desquelles découlent des avantages et inconvénients.
Par exemple, le statique permet une précision millimétrique tandis que le dynamique se cantonne au centimétrique (+/-3cm). Certains scanners fixes sont certifiés ATEX et permettent l'acquisition 3d en atmosphère explosive.
Le dynamique permet une importante vitesse d'acquisition, décuplées par rapport au statique (x3, x5, jusqu'à x10). Les scanners dynamiques à main(s) répondent bien aux contraintes d'acquisitions en espaces restreints (tuyauterie, réseaux, cavités, …).
Concernant la photogrammétrie, n'importe quel capteur permet de débuter. Cependant, la qualité de celui-ci, la finesse des réglages possibles (ouverture, sensibilité, focale, …) conditionnent l'obtention de correspondances graphiques entre clichés. De ces correspondances découlent directement la qualité et la robustesse de l'assemblage photogrammétrique. Le capteur peut être porté à main, en véhicule terrestre ou aérien.
Le faible poids de certains matériels, couplé à l'instantanéité de la mesure (une acquisition laser dure plusieurs dizaines de secondes ou minutes, tandis qu'une photographie ne dure que quelques millisecondes), leur permet également d'être embarqué sur des drones, dégageant ainsi des points de vue jusqu'alors inaccessible.
Quel système de coordonnées ?
Rappelons que le décret n°2006-272 du 03 mars 2006 rend obligatoire l'usage du nouveau système de référence à compter du 03 mars 2009 pour les travaux topographique ou cartographiques réalisés par l'État, les collectivités locales, les entreprises chargées de l'exécution d'une mission de service public, ou pour leur compte.
Afin d'inscrire la maquette de l'ouvrage dans la durée et s'ouvrir aux maximums d'utilisateurs et d'utilisations potentiels, il est indispensable de géo-référencer les travaux dans les systèmes légaux, tant planimétrique (composantes XY), qu'altimétrique (composante Z).
Ce géoréférencement s'opère généralement par GPS avec une correction temps réel (RTK) ou par GPS post-traité.
La précision attendue est centimétrique.
Quelles données autres ?
Les coordonnées tridimensionnelles des points constitutifs de l'ouvrage sont la base d'une acquisition 3d.
Cependant de nombreuses métadonnées peuvent l'enrichir avec en premier lieu la couleur du point.
En sus, la température associée audit point (thermographie) peut renseigner directement sur les faiblesses thermiques de l'ouvrage, mais également permettre durant la phase d'interprétation et modélisation de dissocier certains éléments contigus mais de nature différente.
Enfin, les données spectrométriques couplées à des bases de données enrichies, permettront de dissocier toujours plus les éléments contigus mais de nature différente durant la réalisation de la maquette, mais pardessus de renseigner la nature même des matériaux ! Certains acteurs en parlent dans un futur proche…
Conclusion
De nombreux outils existent et permettent de répondre à la variété des cas rencontrés. Très souvent, la réponse n'est ni simple ni unique et se trouve dans la mise en œuvre de différents outils sur un même chantier.
Le scanner 3d statique sera déployé en extérieur pour structurer de manière précise le relevé, le drone permettra l'acquisition des toitures de manière rapide et sécurisée, le scanner dynamique permettra de relevé les intérieurs des appartements en un temps réduit pour limiter la gêne des occupants, tandis que le mètre complètera le relevé dans les zones masquées.
L'apparente accessibilité tant technique que financière de ces outils ne doit pas oblitérer les contraintes et l'expérience indispensable à mettre en œuvre afin de garantir un nuage de points répondant aux attentes de modélisation professionnelle, à savoir qualité (précision, densité, géoréférencement) et exhaustivité.
Enfin, rappelons que la constitution du nuage 3d dans le cadre d'une modélisation BIM n'est pas la finalité mais le préalable indispensable. Il est primordial d'échanger avec l'ensemble des protagonistes BIM sur la finalité de la maquette avant même le lancement des mesurages !
Yann LALLINEC
BIM influencer @ HEXABIM
Breton passé par Paris, la Guyane et vivant actuellement à Lyon
Ingénieur ETP de formation puis Géomètre-Expert
Forte appétence pour le développement de nouvelles compétences, moyens et méthodes, dont le BIM en est une belle synthèse
Au plaisir d'échanger, toujours !