Formations au BIM dans le monde : Le positionnement de la France au regard du rapport NATSPEC
L'institut Australien NATSPEC, reconnu au niveau mondial pour ses efforts pour améliorer la qualité de la construction et la productivité de l'environnement bâti durable grâce au leadership en matière d'information, a récemment publié la version 11.0 de son rapport annuel sur la formation BIM mondiale.
Pour compiler ce rapport, NATSPEC a sollicité des réponses de divers pays et régions, invitant les contributeurs à mettre à jour les informations sur l'état de la formation BIM dans leurs juridictions respectives. Chaque année, les contributeurs ont la possibilité de réviser leurs sections, tandis que de nouveaux pays rejoignent le rapport, élargissant ainsi la portée des informations collectées. Cette méthode assure une vue précise et actualisée de la formation BIM à l'échelle mondiale. La contribution de la France a été réalisée par Emmanuel Natchitz de l'ESITC et buildingSMART France, mettant en lumière l'évolution et les initiatives locales en matière de formation BIM.
Une décennie d'intégration du BIM dans les cursus techniques français
Le rapport mentionne qu'en France, l'intégration du BIM dans le domaine éducatif a commencé en 2011, suite aux réformes du ministère de l'Éducation nationale. Depuis, le BIM est devenu une composante obligatoire des programmes d'études dans les formations techniques et professionnelles en architecture et construction.
Les grands acteurs français à pied d'œuvre
Pour structurer l'ensemble, buildingSMART France, chapitre national de l'organisation du même nom en charge du déploiement des standards ouverts du BIM, a créé le label "OpenBIM" en 2020. Avec 6 critères exigeants, de la compétence projet à l'interopérabilité en passant par les processus BIM, ce label qualifie les parcours de formation initiale et continue les plus conformes au cadre méthodologique du BIM.
Aux côtés de buildingSMART France, le projet national de recherche MINnD mène ainsi depuis 2014 des travaux de fond pour définir des guides de bonnes pratiques et expérimentations terrain autour du BIM. Ces deux acteurs clés contribuent également activement à l'élaboration des standards internationaux comme la famille des normes ISO 19650.
Enfin, l'événement phare EduBIM réunit chaque année un vaste réseau transdisciplinaire d'experts pour faire le point sur les dernières avancées pédagogiques et retours d'expériences BIM les plus probants, comme l'intégration de l'IA et de la réalité virtuelle dans les cursus en 2023.
Une adoption BIM encore contrastée
L'adoption du BIM dans les entreprises françaises est marquée par une hétérogénéité. Selon une étude du Plan BIM 2022, 48% des acteurs du secteur considèrent le BIM comme stratégique pour leur entreprise, 66% des professionnels reconnaissent ses bénéfices, et 17% ont mis en œuvre des actions BIM. La maturité BIM la plus courante parmi les entreprises de construction françaises est le niveau 2, avec une utilisation notable dans 35% des sociétés immobilières et 50-60% des entreprises de construction.
Où en sont les autres pays
En France, l'intégration du BIM commence dès le secondaire avec une forte présence dans les lycées techniques et professionnels. En Espagne, le BIM est surtout intégré au niveau universitaire, avec moins de présence dans l'enseignement secondaire. En Allemagne, les formations BIM sont centrées sur les niveaux d'enseignement supérieur et la formation continue, avec des universités collaborant étroitement avec l'industrie pour offrir des expériences pratiques, similaire à l'approche française avec le label OpenBIM, mais avec une intégration plus précoce et systématique en France. En Italie, l'approche est orientée vers la formation universitaire et les certifications, avec un accent particulier sur les aspects pratiques, bien que l'intégration au niveau secondaire soit moins avancée.
Dans les pays scandinaves comme la Suède, le Danemark et la Finlande, le BIM est intégré de manière exhaustive à tous les niveaux éducatifs, de l'enseignement secondaire aux universités. L'accent est mis sur la durabilité et les technologies émergentes comme la réalité augmentée et la réalité virtuelle, ce qui dépasse l'intégration française actuelle, bien que la France progresse avec des initiatives similaires dans ses curricula. Aux Pays-Bas, la formation BIM est intégrée dès le secondaire et les universités, avec une forte orientation vers l'interopérabilité et la collaboration internationale, offrant un modèle de collaboration que la France cherche à renforcer.
Le Canada a une approche structurée avec des certifications comme le programme CanBIM, alignées avec les besoins de l'industrie. Les programmes éducatifs canadiens couvrent à la fois les formations universitaires et la formation continue, avec une standardisation et une reconnaissance professionnelle bien établies. En France, des certifications comme celles de buildingSMART sont en développement, mais le cadre canadien est déjà plus avancé en termes de standardisation et de connexion entre les programmes éducatifs et les certifications professionnelles.
Aux États-Unis, l'intégration du BIM dans les programmes éducatifs est très variée, avec une forte présence dans les grandes universités et des initiatives de formation continue. Les certifications et programmes de formation professionnelle sont bien développés, avec un accent sur la conformité aux normes internationales et nationales. Par rapport à la France, les États-Unis disposent d'un cadre réglementaire et éducatif plus formalisé pour le BIM, avec des initiatives comme le National BIM Standard - United States (NBIMS-US), qui guide l'adoption du BIM à l'échelle nationale. Les efforts en France, bien que solides avec des initiatives comme le label OpenBIM, peuvent s'inspirer de la standardisation et de la portée des initiatives américaines.
Le Royaume-Uni, avec son UK BIM Framework, met l'accent sur les certifications professionnelles et les programmes de formation continue. La conformité aux normes internationales (ISO 19650) est bien avancée, facilitant une adoption rapide par l'industrie. Comparé au cadre britannique, la France renforce son adoption des normes internationales et des certifications comme celles de buildingSMART, mais pourrait encore bénéficier d'un cadre réglementaire plus structuré.
Au final, si de nombreux pays progressent vers une meilleure intégration du BIM à tous les niveaux d'enseignement, la véritable bataille pour l'ensemble des filières mondiales sera de transférer ces compétences à grande échelle en formant massivement la prochaine génération aux méthodologies BIM, mais aussi aux technologies émergentes comme la réalité virtuelle, l'intelligence artificielle ou le développement durable. Un défi titanesque mais indispensable pour concrétiser les gains de productivité, de qualité et de performance promis par cette disruption numérique. La formation restera la clé de voûte de la transition du secteur de la construction vers le plein BIM.